Le passage en société : une vraie bonne idée ?
Ne devrais-je pas exercer mon activité en société ? Cette question, la plupart des indépendants se l’est déjà posée en comparant simplement le taux marginal de l’impôt des personnes physiques (jusqu’à 54% !) et le taux de l’impôt des sociétés (29,58% en 2019 et 25% à partir de 2020), et ce sans compter le paiement des cotisations sociales.
Cette question récurrente n’appelle pas de réponse simple et nécessite une analyse au cas par cas. Nous vous livrons cependant quelques pistes de réflexion.
Traditionnellement, on considère que lorsqu’on génère un certain niveau de chiffre d’affaires annuel, le passage en société est conseillé. Ce raisonnement – s’il n’est évidemment pas dénué de tout sens – est cependant trop simpliste et ne tient pas compte des particularités de chacun, tant au niveau des besoins financiers mensuels que des possibilités d’optimisation fiscale. La seule véritable règle générale pourrait être la suivante : si vos dépenses courantes (vie quotidienne et charges de crédit éventuelles) nécessitent que vous deviez disposer de manière régulière – par hypothèse via une rémunération mensuelle versée par la société – de l’intégralité de vos revenus, l’exercice en société n’est probablement pas pour vous car il s’agira alors de l’interposition d’une personne morale sans aucune utilité. En effet, dans cette situation, les revenus ne feront que transiter par la société et seront in fine fiscalisés dans le chef de la personne physique, ce qui rend alors totalement inutile l’utilisation d’une société.
Dans un certain nombre de cas, l’utilisation d’une société peut apporter des avantages, notamment la possibilité de gérer sa fiscalité dans la mesure où le dirigeant contrôle les revenus qu’il s’attribue, avec de facto des conséquences fiscales maitrisées.
L’important est d’utiliser de manière optimale les avantages fiscaux que peut offrir une société : taux réduit à l’impôt des sociétés, taux réduit de précompte mobilier sur les dividendes, octroi d’ATN forfaitaires, juste maîtrise de la rémunération du dirigeant, etc.
Un calcul comparatif simple permet de visualiser le gain fiscal qui peut résulter de l’utilisation d’une société (hypothèses : pas de charges professionnelles réelles (sauf cot. sociales) – célibataire sans enfants – taux ISOC applicable à partir de l’année de revenus 2020 et bénéfice du taux réduit de précompte mobilier sur les dividendes).
Dans cet exemple, la charge fiscale et sociale diffère de près de 7,50% à l’avantage de l’exercice en société. A contrario, à chiffre d’affaires identique, si la société ne peut bénéficier du taux réduit sur dividendes distribués (imposition au taux fixe de 30% au lieu de 15%), l’avantage disparait et il devient alors plus intéressant de prester son activité en personne physique.
Concernant le taux d’imposition, alors qu’une personne physique voit ses revenus professionnels imposés au taux progressif par tranche pouvant aller jusqu’à 54%, l’impôt des sociétés ne s’élève qu’à un taux fixe de 29,58% actuellement et de 25% à partir des revenus de l’année 2020. Pour les PME, ce taux peut même être réduit, sous certaines conditions, à 20,40 % (20% à partir de 2020) pour les 100.000 premiers euros de bénéfice.
Concernant les dividendes, le régime VVPRbis permet de bénéficier d’un taux réduit de précompte mobilier libératoire de 15% (au lieu du taux ordinaire de 30%). Ce régime implique le respect de certaines conditions et ce taux n’est applicable qu’aux dividendes distribués à partir du 3e exercice social suivant celui de l’apport ou de la constitution. Le système de la réserve de liquidation permet par ailleurs de bénéficier d’un avantage similaire. A noter qu’aucune cotisation sociale n’est due sur les dividendes perçus. En effet, un dividende étant un revenu mobilier (et non un revenu professionnel), les cotisations sociales du dirigeant ne seront pas affectées par les dividendes qui lui sont versés.
Le système des avantages de toute nature (ATN) forfaitaires est un autre mécanisme très avantageux lié aux sociétés qui permet de réduire la fiscalité. Ce système prévoit qu’un avantage octroyé par une société à son dirigeant est imposé dans le chef de ce dernier de manière forfaitaire sans égard à la valeur réelle de l’avantage perçu (c’est-à-dire le montant que le dirigeant aurait dû débourser pour obtenir directement un tel avantage). L’exemple le plus parlant est l’ATN voiture qui permet de disposer d’un véhicule mixte (c’est-à-dire utilisé à la fois pour des besoins professionnels et privés) totalement pris en charge par la société tout en étant personnellement imposé sur base d’un montant forfaitaire souvent bien inférieur au coût réel du véhicule. Le montant de l’ATN (de même que le taux de déductibilité des charges liées au véhicule pour la société) dépendra principalement du prix du véhicule et de son taux d’émission de CO2. De même, la mise à disposition par la société d’un GSM avec (ou sans) abonnement à usage mixte implique une imposition du dirigeant sur base d’un montant forfaitaire relativement faible. Citons encore les ATN sur les frais de chauffage, d’électricité ou d’internet dont les forfaits peuvent également s’avérer intéressants.
Ces points positifs ne doivent cependant pas occulter quelques contraintes liées à l’utilisation d’une société dont la plus évidente concerne les coûts liés à l’existence de la structure (par exemple, la cotisation annuelle des sociétés, les honoraires du notaire pour la constitution, etc.). A noter que nous n’abordons pas la cotisation de 5% pour rémunération insuffisante qui vise à sanctionner les sociétés n’attribuant pas une certaine proportion de leur bénéfice à leur dirigeant sous la forme de rémunération, avec un maximum de 45.000 euros. En effet, à la date de rédaction de ces lignes, une proposition de loi visant à l’abrogation de cette cotisation a été déposée et devrait rapidement être adoptée par la Chambre, supprimant ainsi définitivement cette cotisation.
Un passage en société peut s’avérer très intéressant à condition qu’il soit accompagné par un professionnel du chiffre capable d’évaluer avec vous les conséquences de ce passage et d’optimiser au mieux la situation fiscale. Si l’analyse préliminaire fait apparaitre qu’il s’agit effectivement d’une option avantageuse, les frais de mise en place de cette société seront vite compensés par les avantages, notamment fiscaux, qu’elle apportera.